
Cela en deviendrait presque un cas d’école… s’il n’était pas aussi désarmant.
Lætitia H., veuve de Johnny, pourrait – si la succession s’était ouverte en Belgique – se retrouver à devoir payer des droits de succession sur près du double de la valeur de ce qu’elle aurait réellement recueilli.
Ce paradoxe – détaillé dans Trends-Tendances par Guy Legrand – illustre les limites de notre système fiscal lorsqu’il s’agit de familles recomposées.
L’intention : protéger les enfants d’un premier lit.
La loi belge de 1981 prévoit que dans une succession impliquant un conjoint survivant et des enfants d’une précédente union, ces derniers peuvent :
Demander la conversion de l’usufruit du conjoint ;
Et "vieillir" fictivement ce dernier de 20 ans pour réduire ses droits.
Dans le cas fictif de Laeticia, âgée de 42 ans, son âge serait recalculé à 70 ans (âge de l’aîné des enfants + 20). La valeur économique de son usufruit chuterait alors de 64% à 33%.
Une logique civile pensée pour préserver l’équilibre familial.
Mais le fisc, lui, s’en tient à l’âge réel.
Et c’est là que tout dérape.
L’administration fiscale ne tient pas compte de cette fiction. Elle impose le conjoint survivant comme s’il percevait davantage qu’il ne reçoit.
Dans notre exemple, Laeticia serait imposée sur 56% de la valeur du patrimoine… tout en n’en recevant réellement que 33%.
Ce n’est pas un détail technique. C’est une vraie question d’équité fiscale.
Une situation difficile à justifier.
Comme le souligne l’avocat Gaëtan Van Elder, plusieurs principes sont ici malmenés :
Le principe de réalité : on est imposé sur ce que l’on reçoit, pas sur une projection incohérente ;
La capacité contributive : comment payer des droits sur des actifs que l’on ne détient pas ?
Et la non-discrimination : le traitement fiscal est identique, alors que les situations civiles sont très différentes.
Cette situation ne concerne pas que les célébrités.
Les familles recomposées sont de plus en plus nombreuses, et ces mécanismes – conversion d’usufruit, droits des beaux-enfants, taxation différenciée – deviennent des points de tension fréquents.
Ce cas symbolique démontre à quel point le droit civil et le droit fiscal ne sont pas toujours alignés.
Et combien il reste à faire pour que la transmission ne soit pas source de déséquilibre ou d’injustice.
"Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir…"
En matière successorale, ce serait dommage de s’en tenir à ce refrain.
Il est encore temps d’adapter le cadre et de réconcilier le droit avec le réel.
Sogef : Une solution juste, pas juste une solution